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Ma vie, mon oeuvre, mes rhumatismes
31 juillet 2014

Chapitre 29

...suite...

 

29

 

Nous étions, Cyndy et moi, installés confortablement dans des transats à profiter de la douceur d'une nuit aussi parfaitement étoilée qu'en rêverait un amateur de nuits étoilées, nous nous tenions par la main en souriant comme les deux imbéciles heureux que nous étions, heureux surtout car je ne sache pas que Cyndy fût une imbécile, ni moi non plus, mais il ne s'agit là que d'une figure de style. Si j'avais écrit en effet « comme les heureux que nous étions », et bien que ce ne fût que la juste expression de la vérité, cela aurait par trop manqué d'euphonie et le lecteur n'aurait pas manqué de faire la grimace. Comment, aurait-il dit, après quelque trois-cent quarante pages d'un style si pur, sans bavure aucune, l'auteur a-t-il pu se laisser aller à une telle négligence ? Cette phrase aurait été comme un méchant bouton sur le nez d'une star. Sur un visage ingrat, constellé de pustules et farci de points noirs, tels qu'on les trouve chez la femme ordinaire, un bouton en particulier ne se remarque pas, alors que sur un visage parfait, à la peau lisse et délicate, soignée, calamistrée, la moindre petite excroissance de chair, la plus infime rougeur se transforment en catastrophe, peuvent ruiner sa carrière et font fuir le clampin.

Bref, nous étions là, profitant de la brise légère que la mer poussait dans notre direction, tout à notre intention aurait-on dit, puisque nous étions seuls à profiter de l'aubaine, les autres clients de l'hôtel vaquant à d'ordinaires occupations nocturnes comme ronfler ou chasser les moustiques, pour ne pas évoquer celles sur lesquelles il est recommandé de jeter un voile pudique afin de préserver l'innocence des enfants qui tomberaient sur ce texte. Notre quiétude aurait été parfaite si les soupirs d'un couple sans scrupules ne nous étaient parvenus par la fenêtre de leur chambre restée ouverte afin que nous ne perdions rien du moindre détails de leur déduit. Il paraît que certains aiment écouter aux portes ou pire, assister aux ébats amoureux des autres, des gens qui ont l'oreille hardie. Ce n'est pas mon cas et si c'était une invite à les rejoindre, c'était sans espoir car nous étions, Cyndy et moi, loin d'avoir épuisés la totalité des potentialités de nos amours naissantes pour y répondre favorablement. La femme ne cessait de hurler d'une voix rauque, entre deux oui oui encore, qu'elle avait envie de se faire enfiler par la grosse queue du beau jeune noir qui était sur la terrasse et l'homme qu'il se taperait bien la salope blonde qui l'accompagnait. Je pouvais le comprendre, mais je n'étais cependant pas d'accord avec lui : Cyndy n'était pas une salope. Et ce n'était même pas une vraie blonde. Et puis, que savait cette femme sur la taille de mon membre ? Je vous le demande. Ce n'était de sa part qu'une hypothèse basée sur des on-dit, une réputation dont souffrent les gens de ma couleur et qui leur font le plus grand tort quand il s'avère que celui-ci se situe dans une moyenne, certes honorable, mais avec lequel il n'y a tout de même pas moyen de confectionner un mat de cocagne, comme si nous étions responsables de ce manque à gagner en hauteur, voire en grosseur.

Bref, nous en étions là, à écouter en riant (jaune ) les propos de nos indiscrets voisins, quand est arrivé un taxi. La jeune femme qui en descendit avait l'air en colère et c'était fort dommage, car elle était jolie, mieux que ça, elle était superbe et, contrairement à ce qu'on prétend, la colère n'a jamais rendu quelqu'un plus beau, non, la colère vous tire les traits, creuse vos rides, durcit votre visage, en un mot vous fait paraître méchant alors que vous n'êtes peut-être que malheureux.

C'était une heure bien tardive pour prendre une chambre d'hôtel, – nous avions laissé la mi-nuit loin derrière nous – aussi fûmes-nous suffisamment intrigués pour oublier quelques instants les tourtereaux qui, au-dessus de nous, offraient à qui voulait l'entendre les détails du programme qu'ils nous réservaient si toutefois nous décidions de répondre à leur demande. Et le programme était plus chargé qu'un cargo battant pavillon de complaisance. Moi qui était novice en la matière, ignorait que l'on pût, en une seule nuit, trouver et dépenser plus d'énergie qu'il en faut généralement en une année de dur labeur. Sans compter les courbatures résultant des acrobaties que préconisaient ce couple pour le moins imaginatif.

- Tu as encore beaucoup à apprendre, me glissa Cyndy l'air gourmand devant ma mine étonnée.

- Je ne demande pas mieux, mais ce sera sans eux... Si tu veux bien, j'aimerais que tu demeures mon seul professeur.

- Tu veux qu'on essaie quelques uns des trucs qu'on a entendus?

- Tout de suite ?

- Si tu te sens en forme...

- Oui, mais il est tard...

- Jamais trop pour ces choses-là, mon minet.

Nous nous sommes donc désintéressés de l'arrivante et sommes allés en essayer un ou deux, et comme j'apprends très vite et que je retiens tout, ainsi que je vous le disais au début de ce récit, nous en avons testé encore quelques uns, jusqu'à épuisement, alors qu'un soleil tout neuf se levait sur une mer d'huile, et comme ni Cyndy ni moi-même n'apprécions particulièrement d'avoir la peau grasse, nous nous sommes endormis jusqu'à ce que l'océan ait enfin retrouvé l'eau qui est son élément naturel. Ce qui a pris la matinée et une partie de l'après-midi.

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