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Ma vie, mon oeuvre, mes rhumatismes
12 juillet 2014

Et voici le chapitre 23...

Suite...

 

 

23

 

Cela faisait treize jours que Jonas et Cyndy filaient le parfait amour en un havre éloigné du centre ville, de ses banlieues, proches et lointaines, lorsque Baby Max trouva enfin le semblant d’une trace. Il tomba sur la Batavus à l’angle de deux rues. Tomba est le mot. La moto - qui n’était pas tout à fait une moto - eut d’ailleurs du mal à s’en remettre. Et que dire de cette petite frappe de Al qui se trouvait juché sur ladite moto qui n’en était pas tout à fait une ?

Pour comprendre cette rencontre pour le moins virile, il nous faut revenir légèrement en d’autres lieux et en un autre temps. Par bonheur, la structure du roman nous permet cette acrobatie spatio-temporelle.

Dans un premier temps, Jonas avait envisagé de fiche le camp en emmenant Cyndy sur le porte-bagage de la Batavus, mais il dut se rendre à l’évidence : jamais la moto – qui n’était pas tout à fait une moto – n’accepterait la charge. Non que Cyndy fût trop lourde, loin de nous l’idée de porter jugement sur le poids de cette ravissante personne qui a déjà subi suffisamment d’humiliations sans qu’on vienne en rajouter, mais le cumul des deux cependant n’offrait pas au demi cheval de puissance du moteur le loisir de parcourir péniblement plus de quelques centimètres avant qu’il ne rendît l’âme. De plus, la Batavus  - incurie de ses concepteurs - n'était pas équipée de porte-bagage. Aussi, ce fut la mort dans la sienne que Jonas opta pour la solution la plus sage : le taxi. Pourtant, comme eût été romantique cette sorte de voyage de noce, nombre d’amoureux l’ont essayé, empruntant ce moyen de transport, mais il faut dire à la décharge de Jonas qu’ils sont d’ordinaire les heureux possesseurs d’une Honda six cylindres, d’une Triumph, d’une BMW ou d’une Harley Davidson, à moins que ce ne fût d’une Mammut, équipée d’un moteur NSU, la plus étonnante et détonante bécane sortie des usines Münch dans les années soixante, pour les amateurs éclairés de surpuissantes et mythiques vieilleries. Oui, bien sûr, m’opposerez-vous, Jonas possédant aux environs d’un demi million, pourrait sans mettre en péril sa fortune s’offrir l’ensemble des engins précités, mais je vous ferai remarquer que d’une part il était assez pressé de dégager du coin et d’autre part ne savait où trouver un concessionnaire qui pût lui offrir l’ensemble de ces modèles afin qu’il fît son choix. Sans compter qu’il est impossible à un homme ordinaire de piloter cinq motocyclettes en même temps, ni même deux et demi si d’aventure Cyndy en avait piloté la moitié.

Et voilà comment l’on retrouva Al quelques jours plus tard se heurtant de plein fouet à un Max stupéfait d’une telle aubaine et tout de même légèrement contusionné. Georg qui suivait comme un toutou fidèle buta sur le trio que formaient Max, Al et Batavus, trio en forme de tas, et s’éclata le nez sur le bitume. Il ne dit rien, ne ronchonna ni ne pesta, perdu qu’il était dans des pensées qui occupaient tout son esprit. Et il en fallait peu pour le combler. Nous parlons de son esprit. Quand à savoir ce qui pouvait convenir à combler Georg en tant qu’homme, une exploration approfondie de ces confins nécessiterait des méthodes d’investigation que nul ministère ne serait prêt à financer. Sauf peut-être moyennant (qui est presque l’anagramme de monnayant, il ne faut pas l’oublier...) le versement de pots de vin dont nous n’avons pas le premier sou. Un éditeur peut-être s’y risquerait ? Mais, outre que ce n’est pas notre propos, nous avons d’autres chats à fouetter. En l'occurrence : savoir par quel mystère cette petite frappe de Al se trouvait chevaucher la Batavus de notre ami Jonas.

Ce n’est pas aussi compliqué qu’il y paraît. Après que Jonas et sa compagne d’infortune se furent tiré des pattes, plusieurs jours passèrent, durant lesquels Al et ses affidés surveillèrent la moto qui n’était pas tout à fait une moto. Et comme ils ne voyaient pas réapparaître le duo, ni même l’un des membres du duo, ils en conclurent que grâce à un glissement qu’ont eût pu dire sémantique s’il l’avait été, ils étaient passés de duo à couple et qu’ils occupaient leur temps libre à jouer à la bête à deux dos. Et comme du temps libre, ils ne disposaient que de cela, force était de constater qu’on pouvait sans dommage s’amuser un peu avec la Batavus sans que son propriétaire ne s’en offusquât ni ne leur en tînt rigueur. D’autant moins qu’en prenant un certain nombre de précautions, il n’en saurait jamais rien. Et puis, qui disait qu’il n’était pas allé se faire assassiner ailleurs, ainsi que sa conquête ? Secrètement Al le souhaitait et il espérait bien ne pas les voir rappliquer avant un an et un jour, date après laquelle la Batavus lui appartiendrait de plein droit. Enfin, ça c’est ce qu’on prétend, mais c’est une règle dont nous n’avons jamais personnellement vérifié l’authenticité ni si elle a jamais été inscrite dans une loi.

«  Hé ! petit, dit Max après s’être sorti de l’enchevêtrement composé de bras, de jambes et de guidon de Batavus, où est-ce que t’as eu cet engin... ?

Il était un peu interloqué, Une : c’était bien SA Batavus, une sorte de fibre paternelle la lui faisait reconnaître entre mille, bien qu’il n’y en eût qu’une et deux, Al était bien jeune pour correspondre à la description faite par le mécano de l’acheteur de la moto qui n’était pas tout à fait une moto, mais qui, naguère encore, avait été sienne. Bien jeune et bien blanc. Blanc au point d’être pâle, pâleur due, on s’en doute, au stress occasionné par cette rencontre quelque peu virile, pour ne pas dire brutale. Si, disons-le puisque nous l’avons écrit. Brutale. Or, tombant – ce qui est le mot exact – sur la Batavus, Max s’attendait à tomber par la même occasion sur l’insensé jeune noir censé l’avoir acquise à un prix défiant toute concurrence. Et qu’advenait-il en réalité ? La vie n’était-elle pas une facétieuse partenaire pour lui offrir non pas le jeune noir escompté, mais un jeune blanc esquinté ? Qui, en l'occurrence répondit ouille, ouille, ouille ! à la question de Max. Qui aurait pu lui en vouloir alors qu’il avait les genoux et les coudes râpés jusqu’à l’os et au moins une épaule démontée ?, péripétie lui offrant une certaine similitude, pour ne pas dire parenté, avec le sergent Bonny qui, justement, passait par-là au hasard de son errance. Quelque chose, dans les tréfonds du tréfonds de sa mémoire de policier s'éclaira, si bien que, mû par un résidu de conscience professionnelle, il s’approcha de la scène, mais lorsque Max lui demanda brutalement : « qu’est-ce que tu veux, toi ? !, » il ne put que répondre : « ...veux, toi.... » puis il s’éloigna, ayant déjà oublié l’incident.

- C'est un nègre qui me l’a donnée à garder, répondit Al en se massant l’épaule et en se redressant péniblement sur des jambes flageolantes. Merde ! gémit-il, elle est toute tordue ! y va m’tuer !

- Il s’appelait comment ton nègre... ? Il t’a dit son nom... ?

- Y m’a dit qu’y s’appelait John Doe. Mais à mon avis c’est un nom bidon ! Dites, mec, j’crois que j’ai l’épaule démontée. Faudrait que j’vois un toubib. Alors si vous en avez fini avec vos questions, j’vais y aller. J’sens que j’vais tomber dans les pommes...

- Une dernière question, petit, t’as une idée d’où on pourrait le trouver... ?

- Ça non ! et j’espère bien qu’il a été se faire pendre ailleurs  et que j’le verrai plus ! même si c’est un manque à gagner pour moi !

- Oui, mais si tu lui gardes sa moto...

- C’est pas vraiment une moto !

- Okay, si tu lui gardes sa moto qu’est pas vraiment une moto, c’est qu’il va venir la récupérer.

- C’était prévu comme ça... répondit Al qui lorgnait les jambes de Charlène.

- Alors voilà ce que je te propose... tiens, ( Max lui refila un gros billet ) mes amis et moi on va s’installer dans le quartier, j’ai vu qu’il y avait un hôtel qui s’appelle le « Pionce Pirate », alors, dès que ton noir réapparaît, tu viens me le signaler. Et je t’en donnerai un autre à ce moment-là. Ça te va ... ?

Al n’avait pas besoin d’un dessin pour comprendre que c’était une proposition qui ne se refusait pas. Avec ou sans fric à la clé. A moins de trouver une fusée pour Mars dans les minutes qui suivaient. Il en oublia instantanément son épaule démontée et ses coudes et genoux râpés. Le cul de Charlène qui ondulait à environ la hauteur de son nez l'aida en cela.

- Ça marche mec, dit-il en empochant le pognon. Mais putain, faut que j’aille m’acheter de l’aspirine et des pansements. J’ai une minute ? De toute façon, j’crois pas qu’y va revenir de sitôt, vu comment il est emmanché avec la môme Cyndy.

- Cyndy... ?

       - Ouais, une pute du quartier. Pardon madame...

       - Y a pas de mal...

- Okay ! petit, je vois que je peux compter sur toi. Une dernière chose, on dit pas nègre, on dit noir.

- Ben écoutez, pour un noir je dis pas, mais quand c’est un nègre je dis nègre. Ah ouais, mec, à votre place j’irai pas au « Pionce Pirate », plutôt au « Marin Pécheur », c’est moins crade et puis c’est là qu’il était votre nègre.

- Je vois, dit Max. Je parie qu’il t’avait payé pour ne rien dire à personne.

- Vous êtes pas personne, ça se voit de suite. Et faut bien vivre !

- Eh bien moi, tu vois, petit, dit Max en se penchant vers l’avorton, PERSONNE ne me trahit ! c’est compris... ? Sinon tu pourras plus jamais dire qu’il faut bien vivre !

- Ouais mec. Mais l’autre c’est juste un nègre. En plus avec une moto ridicule qu’est même pas une moto.

- Dis jamais de mal de cette Batavus, petit ! Jamais ! C’est un souvenir. Et mes souvenirs j’y tiens.

- Merde ! Vous le cherchez parce qu’il vous a piqué cette... euh... moto... ?

- T’occupe. Fais ce que je te dis et tout ira bien pour toi.

Puis Max, suivi de Charlène et de Georg dont le visage était maculé de sang séché, entra au « Marin Pécheur » et demanda s’ils pouvaient avoir la chambre occupée précédemment par un jeune nègre. Plus une autre contiguë.

- Contiguë je sais pas s’il m’en reste, répondit l’hôtelier qui ignorait le sens de ce mot, mais si ça peut vous arranger je peux vous donner celle qui est juste à côté. Elle est p’têt pas vraiment contiguë, mais bon, j’vous f’rai un prix... La première, celle du nègre, j’vous la laisse pour quinze ( ce qui était son prix normal) et je vous fais les deux à trente, ça vous va ? Et à ce prix là je me tranche la gorge ! Vous comptez rester longtemps ?

- Assez longtemps pour trouver ce qu’on cherche, dit Max sans s’avancer.

- Fasse le ciel que ça prenne du temps, dit l’hôtelier dont les affaires n’étaient pas florissantes. Soyez les bienvenus.

Il est vrai qu’on n’a jamais, de mémoire de client, entendu un hôtelier vous dire : « Soyez les malvenus ! », en cela, celui-ci ne se démarquait pas de ses collègues, bien qu’il le pensât fortement. En effet, cet hôtelier était uni aux prolétaires du monde entier en cela qu’il ne sollicitait pas du travail, mais de l’argent. Et deux clients c’était du boulot ! Et c’est pas avec du boulot qu’on payait le tiercé et les billets de loto, nom de Dieu ! Ni les tournées de pastis.

Pour en finir avec cette histoire de « soyez les malvenus », vous m’objecterez que ce pourrait être de l’humour, mais est-il besoin de préciser que dans les écoles hôtelières on est très strict sur le rapport au client et qu’on n’y enseigne guère l’humour, mais l’obséquiosité, mais la brosse à reluire, mais la servilité, voire le sourire forcé qui est à l’humour ce que la vache est au taureau, expression dont nous ignorons le sens exact, pour peu qu’il en ait un.

- Et moi, dit Charlène, je vais dormir où ? Et Max dut prendre une chambre supplémentaire au grand regret de Charlène qui eût préféré partager la sienne avec espoir de partager son lit.

Ils avaient donc abandonné, bien mal en point, cette petite frappe de Al qui, comme nous l’avons vu, était affublé d’un nom porte-malheur qui n’avait pas réussi à l’un des tout premiers personnages apparus dans ce roman, et nous nous demandons ce que diable, hormis ce pauvre sergent Bonny, pouvait bien faire la police... ?

Oui, que faisait-elle... ?

Nous sollicitons ici l’indulgence du lecteur et lui demandons un peu de patience, le temps pour nous de remonter ce récit jusqu’à la dernière apparition de notre duo d’inspecteur : (avec un « s » à inspecteurs s’il-vous plaît, merci !) nous avons nommé Mc Bride et son acolyte Marty.

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