Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ma vie, mon oeuvre, mes rhumatismes
4 août 2014

Chapitre 32...

...suite...

 

32

 

Mc Bride était inquiet. Depuis qu'il avait remplacé son chef, mort, comme on le sait, pour s'être exécuté devant un ordre, aucune affaire n'était venue rompre la monotonie de ses jours. Connaissant ses compétences, qui lui en aurait confié une ?

Mc Bride était inquiet et soucieux. Une question le taraudait : qui avait pu lui envoyer le message reçu le matin ? Le mail provenait d'un certain a.nonym, un pseudonyme selon toute apparence et Mc Bride, en bon policier, haïssait les anonymes, lui qui avait prêté serment afin de pouvoir vérifier les papiers d'identité de n'importe quel quidam quand cela lui chantait. Par exemple, s'il avait arrêté l'assassin de Al, la première chose dont il se serait préoccupé aurait été de lui demander ses papiers, afin d'avoir la certitude que l'homme était bien celui qu'il prétendait être. Par exemple, si l'homme était noir, il fallait que la photo corresponde. S'il s'avérait que l'homme de la photo était blanc ou qu'il était une femme, on pouvait être à peu près certain de se trouver en présence de faux papiers. De la part d'un assassin tout était possible.

Il éteignit l'écran de son ordinateur pour parer à toute indiscrétion au cas où quelqu'un – et bien que ce fût absolument improbable -  entrerait inopinément dans son bureau en son absence, se leva et alla passer la tête dans le bureau de Marty.

- Ça va Marty ? Demanda-t-il alors qu'il connaissait la réponse. Pour Marty, tout allait toujours bien, et mieux encore depuis qu'il avait remplacé Mc Bride à son poste. Il bénéficiait en effet de son ancien ordinateur et passait ses journées sur des sites pornos, les seuls qui fussent vraiment à sa portée, ce qui ne l'empêchait pas de jouer continuellement avec sa réplique de Schreck dont les « GRRrrr ! Mein Kleinermann ! Se mêlaient régulièrement aux soupirs, cris et halètements qui déchiraient l'écran.

Si l'on avait pu jeter un œil sur l'écran de Mc Bride, on aurait constaté que les mêmes scènes s'y déroulaient. Étonnant chez un homme qui avait de telles responsabilités, n'est-ce pas ? Non ? Remarquez, l'auteur n'en est pas plus étonné que vous, c'est quelqu'un qui ne se fait plus depuis longtemps la moindre illusion sur l'être humain.

En revanche, si l'on avait pu y jeter le même œil le matin, on aurait vu que le mail en question montrait une petite fille en prière demandant au Seigneur d'envoyer des habits à toutes les jeunes femmes qui étaient sur l'écran de son papa. Mc Bride ne goûtait guère à ce genre d'humour, d'autant moins qu'il en était la victime. Quel était l'enfoiré qui connaissait ses peu avouables pratiques et qui le lui faisait savoir ? Un chantage allait-il suivre ou bien n'était-ce qu'une blague d'un de ses collègues ? Le temps le dirait.

Marty n'avait lui, aucun complexe pour regarder ce qu'il regardait. Marty n'avait pas assez de cervelle pour souffrir d'un complexe quel qu'il fût. Il n'avait même pas connu celui d'œdipe dans son enfance, c'est dire s'il était une âme simple et dénuée de toute perversité. Les sites pornos ne l'excitaient pas, ils l'amusaient. Il regardait hommes et femmes se mélanger dans les positions les plus invraisemblables comme il aurait regardé un type glisser sur une peau de banane dans un burlesque ou une bataille à coup de gâteaux à la crème. Mais le bouquet c'était quand les mecs éjaculaient sur le ventre, les seins, le cul ou le visage des femmes. Ça c'était follement, irrésistiblement drôle.

 - Tout va bien ? demanda Mc Bride en haussant le ton car Marty, secoué de rire, n'avait pas répondu à sa première question qui était sensiblement la même, on l'aura compris.

 - GRRrrr ! Mein Kleinermann ! fit Schreck.

 - Ouais ! et vous chef ? répondit Marty entre deux quintes de rire.

 Mc Bride ne répondit pas. D'ailleurs il se foutait de savoir si ça allait ou non, il ne s'était adressé à Marty que dans le but de lui montrer qui était le chef et que le chef était toujours là à vous observer. Qu'il fallait se le dire et se tenir prêt. A quoi, il n'en avait pas la moindre idée.

Il referma la porte et retourna s'installer derrière son bureau, ralluma son écran, mais le cœur n'y était plus. Il déplaça son grand corps fatigué jusqu'au frigo et se servit une bière, mais il lui trouva mauvais goût. D'ailleurs tout avait mauvais goût ces temps-ci. Et tout le monde. Il jeta un regard circulaire autour de lui, mais la pièce était carrée et celui-ci se déforma, épousa les angles et, par un effet d'élastique, lui renvoya une image fractale en pleine figure. C'était assez douloureux, mais supportable et lui permit de constater que lui aussi avait mauvais goût. Cette décoration était à chier. Criarde. «  Mon goût gueule » pensa-t-il et par association d'idées il se souvint qu'il avait des RTT à prendre et que le moment était opportun, aussi alla-t-il sur la toile se chercher un hôtel pour quelques jours. Pourquoi pas à Port-Cinglant ?, se dit-il.

Parmi tout ceux qu'il « visita », « Le Restaurant des Alpes » lui parut convenir à un repos bien mérité. Il était situé au bord de la mer, on y vantait son calme et, pour les amateurs de planche-à-voile, le lieu était bien venté. Mc Bride n'aimait pas la planche à voile, mais il appréciait les caresses du vent, les embruns qui vous fouettaient le visage, quand il n'était pas suffisamment violent pour vous arracher la moustache, ce qui tombait bien puisque Mc Bride était imberbe et sans moustache. Pour le reste, Mc Bride détestait la mer, ses bains, son sable qui s'insinuait partout. Il avait horreur de s'exposer au soleil pour bronzer, c'était l'activité la plus con du monde et la moins utile en plus d'être dangereuse, d'ailleurs, Mc Bride avait horreur des vacances en général, il fallait n'avoir rien à foutre pour partir en vacances. Mc Bride était con, c'est une évidence, mais pas au point d'aller s'entasser avec d'autres cons à trois au mètre carré. Mc Bride était un con solitaire comme il y a des lonesomes cow-boys.

Sur les photos de l'hôtel on ne voyait personne, les bâtiments, la salle de restaurant, les chambres et la plage, tout semblait désert. Il ne lui vint pas à l'esprit que les photos avaient été prises hors saison ou qu'on craignait, à la Direction, un procès pour droit à l'image tel que ça se pratiquait de plus en plus de nos jours. Il y avait des avocats spécialisés dans ce genre d'affaires, et qui gagnaient souvent devant les tribunaux.

Il réserva deux chambres par internet, entra dans le bureau de Marty, éteignit son ordinateur, ce qui lui coupa le rire au bord des lèvres.

- GRRrrr ! Mein Kleinermann ! Grogna Schreck comme pour montrer sa désapprobation.

    - Prends ta valise, on y va ! Lança Mc Bride. Schreck ne réagit pas. Marty à peine.

Mc Bride n'appréciait pas plus que ça Marty, pour l'emmener en vacances, mais il avait toujours ressenti le besoin d'être accompagné en toute circonstance, par plus con que lui, ainsi, de son côté, pouvait-il paraître plus intelligent qu'il n'était. N'en était-il pas de même à tous les échelons de la société, sinon, pourquoi les Présidents auraient-ils des « vice » en plus de leurs siens propres ?

Marty ne demanda pas où on allait, le même esprit de logique qui lui fit répliquer qu'il n'en avait pas sous la main et qu'il lui faudrait passer chez lui pour cela, lui interdisait de poser des questions auxquelles il savait qu'il n'obtiendrait pas de réponse.

     - Profites-en pour la remplir de quelques affaires de plage, tu pourrais en avoir besoin, dit Mc Bride pendant qu'ils se dirigeaient vers le domicile de Marty.

     - J'aime pas la plage, chef.

     - Alors n'en prend pas.

     - J'aime pas, chef, mais si j'en ai besoin... pour l'enquête ?

     - Alors prends-les au cas où.

     Que Marty n'aimât pas la plage le faisait remonter dans son estime. Ainsi avaient-ils un point commun ? Il ne l'aurait jamais cru.

     - Il n'y a pas d'enquête, Marty, crut-il bon de l'informer, on va juste se donner du bon temps.

     - Ah ! Y aura un ordinateur, chef ? Parce que j'aime bien les trucs comiques. Parce que comme j'aime pas la plage, je sais pas comment je vais me donner du bon temps.

     - C'est possible, Marty. Dans tous les bons hôtels il y a un ordinateur à la disposition de la clientèle.

     - Tant mieux, chef... On va à l'hôtel ? C'est lequel, l'hôtel de Ville ou l'hôtel de police, chef ?

    - Ni l'un ni l'autre, Marty. Juste un hôtel. Dis, tu voudrais pas arrêter avec ton truc ? ! Ça commence à me taper sur le système !

     Marty rangea à regret son Schreck dans sa poche, sans toutefois cesser de le caresser.

     - C'est que, chef, on s'est pour ainsi dire habitués l'un à l'autre. Comme qui dirait qu'on s'est apprivoisés. Je crois que je le rassure. Chez moi, ma propriétaire n'accepte pas les chiens ou les chats, alors avec lui je suis tranquille, c'est pas un animal domestique. Et puis, on a beau dire, mais c'est quand même plus propre, faut le reconnaître.

     Mc Bride se sentit rassuré à son tour. Il pouvait être tranquille, il passerait pour un génie aux yeux des quelques touristes qui risquaient malheureusement de fréquenter l'hôtel. On était tout de même en pleine saison.

 

C'est au moment où ils traversaient un quartier plutôt mal famé de Port-Cinglant que la voiture de Mc Bride donna des signes de faiblesses puis rendit l'âme pour de bon. Mc Bride n'avait aucun sens de l'orientation, aussi avait-il raté la bretelle qui permettait de contourner la ville et s'était-il engagé dans une large avenue, puis mû par un instinct qu'il croyait sûr, il avait bifurqué à gauche, puis à droite, puis... Puis il s'était retrouvé à errer dans de petites venelles où la voiture avait le plus grand mal à se frayer un chemin.

Et c'est là qu'il était tombé en rade.

Il ouvrit le capot, mais c'était pour la forme car il n'y entendait pas davantage en mécanique qu'en orientation et une clé à molette ne lui aurait pas été plus utile qu'une boussole à un aveugle.

 - Je crois qu'il n'y a rien à faire, énonça-t-il doctement comme s'il avait identifié la panne au premier coup d'œil. Qu'il n'y eût rien à faire, ça tombait sous le sens, sinon chercher un mécano. Mc Bride n'avait aucune envie de se préoccuper de ce genre de choses pour l'instant. Merde, il n'avait que trois jours de RTT, il n'allait pas les gaspiller dans l'attente d'une réparation. Que la voiture aille au diable ! Pensa-t-il, et c'est à peu près ce qui lui arriva, sous la forme d'un jeune type légèrement boiteux et au visage tuméfié, accompagné d'une bande de petites frappes qui commencèrent à tourner autour du véhicule d'un air gourmand.

Mc Bride soupira puis sortit sa carte de police d'un geste las.

S'il faut reconnaître une qualité à Mc Bride, c'est qu'il n'était pas toujours un lâche, pas devant les minables.

- Officier de police Mc Bride, énonça-t-il. Il y a quelque chose pour votre service ?

Il adorait cette phrase. Elle produisait toujours le même effet après des années et lui procurait le même plaisir. C'était comme un mariage qui tient bon malgré les tempêtes. C'était même beaucoup plus sûr. Et il aimait encore plus celle qui suivit :

 - Vous avez vos papiers ?

 - Ben M'sieur, faut pas le prendre comme ça, on a rien fait ! ( il voulait dire encore rien fait. )

- Vous avez de la chance que j'ai d'autres chats à fouetter ! Dit Mc Bride qui ne voulait pas plus perdre de temps à contrôler les papiers de ces loubars qui en étaient certainement dépourvus qu'à trouver un mécano. C'est comment ton nom ?

- Al, M'sieur. Mon nom c'est Al ! Pour vous servir. Si y a quek chose que j'peux faire...

- Peut-être bien. Tu connais un mécano ?

- Oui, M'sieur, mais à votre place j'en chercherais un autre...

- Ah... comment je vais faire, moi ?

- Ben y aurait une solution...

- Dis toujours.

- Ben moi et mes copains on pourrait vous la garder, moyennant une petite pièce, le temps que vous faisez ce que vous avez à faire.

Mc Bride ne releva pas la faute de temps et réfléchit une seconde.

- Et elle s'élèverait à combien, la petite pièce ?

Al grimaça, ce qui paradoxalement le rendit presque plus beau, ou plutôt moins laid.

- Faut voir... allez, vous êtes de la police, on va pas vous étrangler... Et il donna un prix que Mc Bride coupa en deux, à prendre ou à laisser.

- Bon, bon, c'est d'accord, mais à ce prix-là j'me tranche la gorge ! Pleurnicha Al.

- Au fait, dit Mc Bride, tu devrais changer de nom, Al ça porte malheur.

- C'est marrant ça, y a déjà un nègre qui m'a dit la même chose.

Mc Bride sentit un frisson particulier lui parcourir l'échine. On ne pouvait pas avoir une chance pareille, en tout cas pas quand on s'appelait Mc Bride et qu'on était un officier de police aussi malchanceux. Né un 13 à treize heures une année à treize lunes, c'était dire ! Et comme avait dit sa mère, heureusement qu'il n'y avait pas treize mois dans l'année !

- Un nègre ? Il était comment ton nègre ?

- Noir.

- Il avait une bagnole ?

- Nan ! Pas de bagnole.

- Ah...

- Mais il a une moto. Enfin si on peut appeler ça une moto, une espèce de pétrolette que si mon père m'avait offert la même je lui aurais craché à la gueule ! Enfin, ça risquait pas d'arriver vu que j'en ai pas de père, mais c'est pour dire.

Merde, se dit Mc Bride, c'est bien ce que je craignais. Ça peut pas être lui. Cependant, des années d'expériences malheureuses lui avaient enseigné que les apparences sont souvent trompeuses et que tant qu'on ne sait pas à coup sûr on ne sait jamais. Rien ne l'empêchait d'interroger ce nègre.

- T'as une idée d'où on pourrait le trouver ?

- Nan ! La dernière fois que je l'ai vu il était avec une pute qu'on appelle Cyndy. Et y a un type qui le cherchait.

- Qui ça, Cyndy ?

- Non, vot' nègre. Putain, tout le monde a l'air de chercher un nègre ces temps-ci !

- Qui cherche un nègre ?

- Des types.

- Quel genre ?

- Pas le votre en tout cas. Je dirais même plutôt de l'autre côté, si vous voyez ce que je veux dire. Et y z'avaient pas l'air de plaisanter.

- Tu saurais me les décrire ?

- Ouais. Deux balèzes dont un idiot qui jouait avec Schreck.

- Schreck ?

- Ouais, une espèce de poupée en plastique, c'est un truc qu'on voit au cinéma.

- Tu veux dire un truc comme ça ? fit-il en désignant Marty qui jouait de nouveau avec le sien.

- Ouais, le même. Vous l'avez acheté où ? dit-il à l'adresse de Marty.

- Pas acheté. On me l'a offert au Mc Do la dernière fois que j'ai pris un menu enfant.

- Tu as des enfants, Marty ? s'étonna Mc Bride.

- Non, mais je trouve ça meilleur. Et puis ils offrent des cadeaux. J'ai presque toute la collection, je vous montrerai, chef.

- Vous me montrez comment ça marche ? demanda Al à Marty, l'œil brillant.

- Ben il suffit de lui retirer... commença Marty.

- Quand vous aurez fini ! fit Mc Bride sur son meilleur ton de chef. Alors, ton nègre, pas idée d'où il est allé avec sa pute ?

- Ch'ais pas. Demandez voir au Marin Pécheur, c'est là qu'y créchait. P't'êt qu'il leur a dit.

Passons si vous le voulez bien sur les quelques échanges qui suivirent et qui ne présentent pour nous aucun intérêt. Et retrouvons Mc Bride et Marty quelques instants plus tard en discussion avec le concierge du boui-boui. Mc Bride avait présenté d'office sa carte de police, s'épargnant ainsi des palabres inutiles qui auraient de toute façon abouti à ce qu'il l'exhibe au nez du cerbère, chicane qui nous aurait fait perdre un temps précieux. Hors, comme les pages, le temps nous est compté. 295 sous le format actuel, c'est déjà beaucoup pour la patience du lecteur et nous ajouterons que le manuscrit va nous coûter un œil à expédier depuis Berlin où nous écrivons ce roman.

Donc.

- Paraît que vous avez loué une chambre à un nègre il y a quelques jours, dit Mc Bride.

- Ah ! Ah ! S'esclaffa le concierge. Y a que les nègres pour louer ici. Il était comment votre nègre ? Noir ? Ouaff !

- Paraît qu'il était accompagné d'une pute.

- M'étonne pas. Y a que les putes pour coucher avec les nègres. C'était une négresse aussi votre pute ?

- Ben... je sais pas... reconnu Mc Bride. Merde, il n'avait pas pensé à demander à cette petite frappe de Al. Une pute c'est une pute, blanche ou noire ça doit se reconnaître, non ? précisa-t-il.

- Depuis le temps que je fais ce boulot, mon bon monsieur, je peux vous dire que j'en ai vu de toutes les couleurs, sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, eh ben, je peux vous assurer que de nos jours on sait plus faire la différence entre une pute professionnelle et une bourgeoise. Parce que, faut pas croire, mais y en a qui aiment bien s'encanailler, si vous voyez c'que j'veux dire...

Mc Bride n'était pas plus avancé, et du coup nous non plus.

- Y a bien un jeune nègre qui m'a paru bizarre, y a quelques jours... je veux dire plus bizarre que les autres nègres. A ce que j'ai entendu dire, il se serait battu avec un mac du quartier, Roger qu'il s'appelait, à cause d'une pute. Ça pourrait bien être votre bonhomme.

- Qu'il s'appelait ? Pourquoi, il est mort ?

- Allez savoir ! En tout cas, c'que j'peux vous dire, c'est que votre nègre, si c'est lui, il a payé plusieurs nuits d'avance et je l'ai pas revu, même que j'ai refilé sa piaule à deux mecs louches. Et autre chose, que j'peux vous dire, c'est que le Roger, on l'a pas revu dans le secteur. Juste depuis ce soir-là. Ça vous paraît pas bizarre à vous ?

- Ouais. Tes mecs louches, ils ressemblaient à quoi ?

- A des mecs louches. Je veux dire plus que d'habitude. Et eux aussi ils cherchaient après un nègre. C'est deux balèzes. Y en a un qu'a pas l'air net.

- Pas net ?

- Ouais, un peu demeuré, si vous voyez c'que j'veux dire.

- Il passerait pas son temps à jouer avec une espèce de poupée...

- Ouais ! C'est ça ! même que je me suis dit que c'était quand même pas de son âge... Un truc qui parle, dans une langue que je comprends pas. Et y rigole bêtement. Un débile on dirait. Et pis y a un type qui les a rejoints, avec une nana super canon. Pas le genre qui fréquente ce genre d'endroit. D'ailleurs la poupée elle lui a fait une scène et elle est partie.

- Qui est parti ?

- Ben la poupée.

- Tu veux dire que les trois autres sont encore là ?

- Pour sûr, mon prince, même qu'ils posent des questions sur ce nègre un peu partout dans le quartier. C'est que c'est comme un village ici, vous comprenez, on sait tout...

- Ben, pour quelqu'un qui savait rien, t'en sais un bout !

- Comme j'ai toujours dit : quand on a rien à se reprocher, y a pas de mal à donner un coup de main à la police, n'est-ce pas ?

Tout ça ressemblait bien à Winkel et consorts, consorts étant entendu ici comme étant Baby Max et Georg, le qualificatif de poupée, vous l'aurez compris, définissant Lory, mais dans l'esprit de Mc Bride, on ne pouvait pas l'inclure dans les consorts en question. Mc Bride ne savait pas s'il devait se réjouir ou se lamenter que le sort ( qui pouvait se révéler très con ) l'eût retrouvé alors qu'il avait tout fait pour s'en éloigner et qu'il espérait bien profiter de ses vacances. Il ne fallait pas que Winkel le voit, ou l'un de ses sbires, s'il s'agissait bien d'eux, ce dont il ne doutait pas. Winkel lui demanderait où il en était de son enquête et, sans dire qu'il avait renoncé, il ne pourrait qu'avouer qu'il piétinait lamentablement et ça, Winkel n'était pas homme à l'admettre, à faire preuve de la moindre compréhension. Maintenant, comment Winkel se trouvait-il là, sur la piste de l'assassin de son homme, c'était un mystère sur lequel il n'avait pas le goût de lever le voile, fût-il pudique. Après tout qu'il se débrouille !

- Vous pouvez m'appeler un taxi ?

Le concierge ricana.

- On voit que vous connaissez pas cette ville, lieutenant, ( il l'avait nommé par ce grade à tout hasard, sergent aurait pu le vexer ) vous risquez d'attendre un bon bout de temps. Vous auriez tout intérêt à en chercher un sur le boulevard, c'est plus sûr, y en a toujours en maraude. Enfin, moi ce que j'en dis, c'est pour vous...

Marty à sa remorque, il en trouva un en effet.

- Et ils vont où ces messieurs ? demanda le chauffeur. ( Qui s'appelait jusqu'à présent Gaston, mais nous y reviendrons... ) Mc Bride n'avait aucune raison d'exhiber sa carte de police, aussi s'en abstient-il, bien qu'il le regrettât.

- Vous connaissez un hôtel du nom de... commença-t-il. Gaston eut comme une intuition.

- Le Restaurant des Alpes vous voulez dire ?

- Comment vous avez deviné ?

- Oh ! dans mon métier on apprend à être psychologue... votre collègue, je dirais pas, mais vous, vous avez une tête à vous rendre à cette conférence...

- Quelle conférence ?

- Je sais pas, mais vu le nombre de personnes qui se rendent à ce même hôtel depuis quelques temps, ça doit être important. Vous y allez pas pour ça ?

Mc Bride se sentit flatté qu'on pût le prendre pour un conférencier, lui qu'on avait toujours plutôt pris pour un con. Cependant, que l'hôtel soit pris d'assaut par une bande de colloquataires, ( c'est ainsi qu'il croyait qu'on nommait les participants à un colloque ) ça ne lui plaisait guère

- Vacances ! Lâcha-t-il bougon. Merde, lui qui espérait la paix, il allait se retrouver au milieu d'une tapée de conférenciers, des intellos auprès desquels il ne ferait pas illusion longtemps, Marty ou pas à ses côtés. Il devrait tout faire pour les éviter, ne pas accepter le contact répugnant de profs ou de savants qui, peut-être, le prendraient un instant pour l'un des leurs, l'interrogeraient sur le sujet de son exposé et tenteraient de faire ami-ami. Boudin crottin, se dit-il, c'est là que j'aurais dû aller, si l'avion ne coûtait pas si cher, on risque pas d'y rencontrer quelqu'un dont le Q I dépasse les 70. La seule chose qui les dépasse, ce sont les mensurations des starlettes ou assimilées. Et c'est même pas naturel.

Publicité
Publicité
Commentaires
Ma vie, mon oeuvre, mes rhumatismes
Publicité
Archives
Publicité