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Ma vie, mon oeuvre, mes rhumatismes
29 avril 2014

Allez, un peu de courage, on continue...

8

 

Winkel  n’était pas satisfait de lui. Il se demandait s’il avait bien fait d’ordonner à Mc Bride de venir au rapport. Quelle drôle d’idée ! Il tournait et retournait la question dans sa tête sans parvenir à la résoudre. Au fond ça ne changerait pas grand-chose. Peut-être avait-il fait preuve de légèreté en voulant signifier son pouvoir sur le policier. Car il ne s’agissait que de cela, n’est-ce pas...?, il devait bien le reconnaître. Mc Bride lui serait infiniment plus utile sur le terrain. Après tout il avait envoyé « Achtung » Baby Max sur place, accompagné de  Georg Zlata - l’un des douze salopards - mener sa petite enquête et comment la lancer sinon en interrogeant Mc Bride en premier lieu. Les informations que possédait Mc Bride seraient plus utiles à Max et Zlata qu’à lui-même dans un premier temps. D’autre part, Max le tiendrait régulièrement au courant, alors, où était le problème... ? Il prit sa décision, décrocha son téléphone et composa le numéro de portable de Mc Bride. Avec un peu de chance les trois hommes ne s’étaient pas encore croisés. Sûrement non, ils ne s’étaient pas croisés. Mc Bride n’était pas parti depuis plus de vingt minutes et Max avait de nombreux kilomètres à parcourir. Si ce n’avait été aussi loin et s’il n’avait pas eu d’affaires urgentes à traiter, il s’en serait occupé lui-même. Quoiqu’il répugnât à se trouver en première ligne. Les généraux se tiennent toujours sur les arrières, bien à l’abri, là d’où ils peuvent juger de la situation et lancer leurs hommes au combat. Un général mort, c’est un militaire de moins, d’accord, mais c’est souvent une guerre perdue. Toute une compagnie ou une armée morte aussi, bien sûr, mais l'essentiel n'est-il pas que le général soit sauf, lui, afin qu'il puisse recycler son incompétence en se faisant élire au parlement et causer des dégâts dans les rangs des civils afin de terminer en beauté sa carrière. Ses hommes servaient à lui éviter ce genre de désagrément. Max saurait se dépatouiller, il avait réglé des problèmes plus délicats par le passé.

 

Mc Bride ressentit un grand soulagement lorsque Winkel lui demanda de retourner sur les lieux et d’attendre l’arrivée de Baby Max. Comme lorsqu’un chien vous a attrapé par le bas du pantalon et que malgré tous vos efforts, vos cris, vos coups et vos suppliques, il refuse de lâcher sa proie et que brusquement, sans crier gare et sans raison précise, il s’en va vaquer à d’autres occupations ou se dégoter une victime moins indocile. Ses prières à St Martin de Tours dit le Miséricordieux, patron des policiers, auraient-elles été entendues ?

 

Mc Bride ne connaissait Baby Max que de loin et jamais il ne lui avait adressé la parole, pas plus qu’il n’avait entendu le son de sa voix. Et pourtant ce dernier le glaçait. Il lui faisait penser à une machine infernale qu’on ne pouvait arrêter une fois qu’elle était lancée. Malgré tout, il préférait encore se coltiner avec l’homme de main qu’affronter son patron. Ce pourrait même se révéler un sérieux avantage que de l’avoir à ses côtés, qu’ils échangeassent leurs informations, si tant est que Max possédât des informations que lui, Mc Bride, ignorait et qu’il voulût bien les lui communiquer. Sa marge de manœuvre était infiniment plus large que celle de Mc Bride, il n’avait en effet pas à se soucier de respecter la loi de manière scrupuleuse, et encore moins une certaine procédure à laquelle lui-même ne pouvait échapper. Chez les truands on ne plie devant la loi que si l’on court le risque certain de se faire prendre. Il se rassura et se donna bonne conscience en se disant que si les choses tournaient mal il pourrait toujours arguer que l’homme de Winkel avait agi de son propre chef et qu’il avait tout fait pour l’empêcher de se mêler de l'enquête. Et si ça ne suffisait pas, il pourrait aussi prétendre qu’en réalité il avait tenté de l’utiliser, pratique courante au sein de la police. Et d’ailleurs, qu’est-ce qui risquait de mal tourner, au fond ? Rien. Rien, vraiment... ?

Tandis qu’il s’en retournait vers les lieux du drame, Mc Bride trouvait des arguments pour s’en persuader. Un bidouillage déontologique qui ne tiendrait pas cinq minutes devant une enquête interne sérieusement menée. Mais au fond, qu’est-ce qui pourrait bien amener la hiérarchie à se lancer dans une telle enquête sur son compte... ? D’accord, tout. Ce qui représentait de nombreuses raisons d’écarter cette hypothèse et de penser à autre chose.

 

*

 

La nuit était complètement tombée quand il revint à son point de départ. Le dépanneur avait soulevé la voiture du sergent Bonny et l’avait déposée sur le bord de la route, il était en train de la faire grimper sur la rampe d’accès à l’aide du treuil afin de la dégager et les types du labo s’affairaient autour du cadavre, en partie dévoré par les charognards, sous la puissante lumière de projecteurs qui donnait à la scène un air aussi sinistre qu’il était besoin. La lune tentait sans succès de faire valoir ses prérogatives. Elle mettait le paquet en vain. Elle finit par renoncer. Plus tard elle aurait sa chance. Quand les hommes qui se font un malin plaisir de contrarier la nature se seraient retirés.

Des milliers d’insectes tournoyaient dans le faisceau d’un blanc cru, aussi les hommes n’arrêtaient-ils pas de battre des bras et de pester à haute voix. Le froid apparent de cette lumière artificielle ne parvenait cependant pas à réduire d’un degré la chaleur épouvantable que dispensaient les projecteurs, si bien que les hommes dégoulinaient d’une sueur aigre qui leur brûlait les yeux et rendait plus pénible encore la tâche qui était la leur. Sans compter que moustiques et autres sales bestioles volantes s’attaquaient au mort comme aux vivants sans discrimination aucune et dans un souci d’égalité qui en aurait remontré au plus fervent des démocrates.

Mc Bride n’avait jamais supporté la vue d’un cadavre, cela lui faisait immanquablement penser au sien, un jour ou l’autre et l’idée de la mort, de la sienne, le terrifiait. Et il supportait encore moins cette vue quand le cadavre en question avait les tripes à l’air, les orbites vides et le reste du corps aplati comme par un rouleau compresseur. Aussi, avant toute parole, commença-t-il par vomir dans le ruisseau.

- Pas beau à voir, hein, inspecteur... ? Tenez, mettez-ça sur votre nez.

C’est Larry qui avait parlé, un des trois spécialistes qui eux en avaient vu d’autres et ne se laissaient pas démonter pour si peu. La chaleur et les moustiques leur étaient plus pénibles que la promiscuité des restes de feu Alfonso Marco Benito de San Severino, le véritable et complet patronyme de Al. Larry lui tendait un masque imbibé d’un produit antiseptique et censé protéger des odeurs de charogne. Mc bride agrafa le masque à son visage et se pencha :

- Alors ? Qu’est-ce qu'il est arrivé à ce citoyen... ?

- Je pourrais difficilement vous en faire un récit exhaustif, mais à première vue il a reçu un coup de couteau, un poignard plutôt. En plein cœur. La mort a dû être instantanée, ou presque.

- C’est donc pas la voiture de Bonny qui l’a mis dans cet état... ?

- Non, ça je peux vous le garantir. Il a été écrabouillé une bonne heure après sa mort.

- Mais qu’est-ce que ce putain de sergent a foutu... ?

- Ça c’est votre boulot. Faudra l’interroger dès qu’il sortira du cirage. Je suis sûr qu’il a une bonne explication à vous donner.

- Ouais... je l’espère pour lui...

- En attendant, pour nous c’est clair, ce type a été trucidé à l’arme blanche. Votre sergent n’y est pour rien, sauf bien sûr s’il l’a poignardé et qu’ensuite il l’a traîné dans le ruisseau et qu’il s’est arrangé pour faire basculer sa bagnole sur le cadavre. Personnellement je ne vois pas ce qui aurait pu le pousser à un tel geste, sinon une haine farouche qui lui aurait provoqué un coup de folie, mais là, on est dans l’extrapolation et mon boulot c’est la précision, les faits, les constatations, pas les chimères. Ce qui est sûr c’est que les charognards n’ont pas eu le temps de faire disparaître toutes les traces. Vous voulez des détails... ?

- Non merci, je les lirai dans votre rapport. ( Affirmant cela il savait toutefois pertinemment qu’il n’en ferait rien.) Mais, j’y pense, vous avez dit traîné dans le ruisseau ? Vous voulez dire qu’il n’a pas été assassiné sur place... ?

- Sûr et certain ! Ce corps a été déplacé. D’autre part, si vous êtes attentifs aux détails vous verrez qu’on a vaguement essayé de le cacher. Mais vous lirez ces informations dans mon rapport. Ce que je me demande c’est qui a flingué ce vautour... ?

- Ouais ben personne va porter plainte, alors on verra ça plus tard. Ou pas.

- Une autre question que je me pose, c’est qui lui a piqué ses godasses... ?

- Les vautours... ?

- Ouais, peut-être une femelle qui voulait faire un cadeau à son mâle pour son anniversaire...

- Ah, ah ! En tout cas, si il a été déplacé comme vous l’affirmez, peut-être qu’elles sont tombées pendant le transfert. Ça paraît logique.

- M’ouais...

- Ou alors le mec qui l’a buté les a emportées avec lui.

- En tout cas, si elles étaient assorties au costard, je serais curieux de les voir !

- Moi aussi. Parce que si elles sont aux pieds du type en question, on ferait d’une pierre deux coups.

- C'est une thèse qui se défend.

- C’est pas un thèse, c’est une certitude.

- Quoi, que vous allez le choper ?

- Je voudrais bien. Non, qu’il porte les godasses.

- Qu’est-ce qui vous permet de le penser... ?

- Une intuition.

- Et depuis quand les intuitions font-elles des certitudes... ?

- Si vous étiez flic depuis aussi longtemps que moi vous sauriez que l’intuition est un fameux partenaire.

- Si vous faisiez mon boulot depuis aussi longtemps que je le pratique vous sauriez que sans preuves scientifiques il n’y a aucune certitude.

- Si je faisais votre boulot je passerais mon temps à gerber.

- On saurait au moins ce que vous avez mangé. Bon, pour nous, ici c’est terminé. On poursuivra demain. Où est-ce qu’on pourra trouver le corps... ?

- A la morgue de l’hôpital de San Sebastian. L’ambulance ne va pas tarder à revenir, vous aurez qu’à la suivre.

- Merci, non, on est crevé. Il y a un endroit où on peut dormir dans le coin... ? Un motel.

- Pas que je sache. Essayez à Wannacut, c’est à deux pas.

- Wannacut... ? Ça existe un patelin avec un nom pareil... ?

- Tout le monde se le demande... Essayez quand même.

Le type consulta son collègue et ils tombèrent d’accord pour se taper quelques dizaines de kilomètres de plus, jusqu’à San Sebastian. Ils seraient sûr d’y trouver une chambre.

« O.K. On vous l’emballe pour pas que les charognards finissent le boulot et on y va.

- Et pour pas que tous les morceaux s’éparpillent dans l’ambulance, ajouta un de ses collègues. Ça serait plus un cadavre, ça serait un puzzle.

Ils remballèrent leur matos, éteignirent les projecteurs et ce fut pendant quelques secondes comme si l’on se retrouvait brusquement dans une cave. Puis la clarté de la lune prit le relais et la scène soudain parut presque banale si ce n’avait été la voiture de Bonny complètement défoncée enfin arrimée sur le plateau de la dépanneuse. Juste des hommes arrêtés au bord d’une route, peut-être pour pisser un coup ou se dégourdir les jambes suite à un long périple. Le cadavre dans son étui aurait aussi bien pu être pris pour un tronc d’arbre ou un cactus pourri abattu par les vents.

A ce moment une bagnole arriva, ralentit puis alla se garer une centaine de mètres plus loin. Personne n’en descendit.

- Qu’est-ce que c’est que ces pékins... ? dit Larry.

- Sais pas. Des curieux sans doute. Vous savez comment sont les gens. Les accidents ça les attire comme des mouches.

Mais Mc Bride savait, contrairement à ce qu’il avait prétendu. Ce ne pouvait être que Baby Max, l’envoyé de Winkel, qui attendait que la police scientifique ait déserté les lieux. Ce qu’elle fit aussitôt., comme pour laisser le champ libre à la scène suivante. Les feux s’éloignèrent mais la voiture de Baby Max ne bougeait pas, masse sombre et impénétrable posée là comme une menace, désagréable et déstabilisante comme un coup de fil anonyme.

- Bon, dit le mécano, je peux y aller... ? On fait quoi avec la bagnole de Bonny... ? Je la ramène au garage... ?

- Oui, oui, merci. On vous appellera ou on passera vous voir si besoin est. En attendant n’y touchez pas et que personne ne l’approche. Le mécano grimpa dans sa dépanneuse et, pas fâché d’en avoir fini, prit la route de Wannacut.

Le véhicule de Max recula alors, tous feux éteints et vint s’immobiliser à hauteur de l’inspecteur abandonné sur les lieux du drame avec pour seule compagnie ce cadavre emballé comme dans un paquet cadeau luisant sous la lune. Il portait encore son masque quand la vitre de la luxueuse voiture glissa sans un bruit. La voix de Baby Max s’échappa de l’habitacle :

- Salut inspecteur, c’est Winkel qui m’envoie.

- Je sais... je sais, il m’a appelé.

- Alors, où en est-on... ?

- On ne sait pas grand-chose sinon qu’il... Al a été poignardé...

- Et c’est quoi cette bagnole de flic toute cabossée... ?

- Celle d’un flic local, le sergent Bonny... C’est lui qui nous a prévenu...

- Et il est où ce Bonny ? On peut lui parler... ?

- A l’hôpital.

- Vous voulez dire qu’il s’est battu avec Al et que ce dernier l’a expédié à l’hôpital... ?

Connaissant cet avorton de Al, c’était une hypothèse qui relevait de la pure fiction aux yeux de Max. Carrément de la plaisanterie sinon de la légende.

- Écoutez, on n’en sait rien du tout. Pour tout vous dire on a trouvé Al dans le ruisseau avec la bagnole de Bonny renversée sur son corps et personne au monde à l’heure actuelle ne sait ce que bon Dieu il a bien pu se passer. Et Bonny est dans un tel état qu’il n’est pas sûr qu’il puisse nous informer un jour sur les circonstances de cet... accident. Alors moi je veux bien rendre service, mais je ne peux pas inventer des raisons à ce qui est un mystère. Je n’ai pas même le début d’une hypothèse. C’est à n’y rien comprendre.

- O.K. On verra ça plus tard. Et où se trouve la voiture que conduisait Al... ?

- Quelle voiture ? On n’a pas vu de voiture. Je sais bien qu’il n’est pas arrivé jusqu’ici en volant, mais ça fait partie des choses qu’on ignore.

- Si je comprends bien vous ne savez pas grand-chose.

- Bordel ! Je viens de commencer l'enquête ! Les types du labo partent à l’instant. Tout ce que je peux vous dire c’est que quelqu’un a poignardé Al, a traîné son cadavre jusqu’ici, a essayé de le planquer en le recouvrant de branches et que ce connard de sergent Bonny, dans des circonstances et pour une raison que j’ignore, est venu renverser sa bagnole sur le cadavre. Point. J’ai envoyé mon collègue à l’hôpital, des fois que Bonny puisse parler, mais pour l’instant je n’ai pas de nouvelles, ce qui veut dire que Bonny n’est pas en état de le faire. Non, une autre information, mais je doute qu’elle vous serve à quelque chose : Al n’avait pas de chaussures.

- Pas de chaussures... ?

- C’est comme je vous le dis. En chaussettes. J’ai moi-même sillonné le secteur à la recherche de ses pompes, mentit-il , et je les ai pas trouvées. Le type qui l’a trucidé  a dû les lui piquer. Je vois pas d’autre explication.

Baby Max échangea un regard avec Georg Zlata qui se tenait sur le siège du passager et Mc bride entendit un rire fuser de l’habitacle :

- Qu’est-ce qui vous amuse... ? demanda-t-il.

- C’est les pompes de Al. Je me demande quelle sorte de type peut piquer des pompes pareilles. Hein Georg ! Qu’est-ce que t’en penses... ?

Une sorte de grognement sortit de l’ombre où se tenait le dénommé Georg, comme celui d’un molosse qui s’étrangle à tirer sur sa laisse.

- Quoi... ? Qu’est-ce qu’elles avaient ces pompes... ? demanda Mc bride.

- Oh ! rien ! Elles étaient... disons particulières, hein Georg... ?

On entendit alors la voix de Georg. Ça raclait, ça grinçait, comme celle d’un gros fumeur en phase terminale de cancer du poumon ou les toussotements d’un diesel qui peinerait à démarrer.

- Ouais ! fit-il. C’était des pompes funèbres on dirait ! Propos suivi d’un rire qui se transforma en quinte de toux et secoua la voiture au point qu’on put penser qu’elle allait s’effondrer sur ses suspensions.

- A propos, dit Max changeant de sujet, vous avez trouvé un portable sur Al... ?

- Un téléphone ou un ordinateur... ?

- Un téléphone, Al savait à peine lacer ses chaussures, alors se servir d’un ordi...

- Non... enfin, je ne l’ai pas fouillé... si vous voyiez ce qu’il reste de lui... Mais s’il y en avait eu un, les types du labo l’auraient trouvé. Même en miettes ils l’auraient trouvé.

Il désigna le cadavre qui attendait l’ambulance dans son enveloppe de plastique :

« Si le cœur vous en dit... profitez-en pendant que personne ne vous voit... »

- Non merci, je vous crois sur parole. C’est bien embêtant tout ça... Il n’avait pas de mallette non plus, je suppose...

- Rien de rien. C’est important... ?

Je suis con de poser cette question, se dit Mc Bride. Sûr que ça devait être important. Winkel ne déplaçait pas ses hommes, et surtout pas ceux-là, pour des broutilles. Al devait transporter quelque chose de précieux. Qu’est-ce qu’il y avait dans cette mallette... ? Des papiers... ? Du fric... ? De la drogue... ? Les trois ?

- Y a un motel dans le coin... ? demanda Baby Max.

- Je sais pas. Essayez à Wannacut, c’est pas très loin. Mais je garantis rien, c’est un trou. C’est là qu’officie... officiait le sergent Bonny...

- Wannacut... ?

- Oui je sais, ça paraît pas vrai...

- M’ouais, on va voir ça, hein Georg... ?

- Homph...

- A propos... c’était quoi la voiture d’Al... ?

- Une bagnole...

- Oui, ça... mais quelle marque, quelle année, quel modèle, tout le toutim...

- Pourquoi, vous comptez la racheter... ?

- Comment voulez-vous que je lance un avis de recherche si je sais même pas de quelle bagnole il s’agit, eh banane. Le type qui l’a flingué lui a de toute évidence piqué sa bagnole. Si on la trouve, on trouve le type. En tout cas on est sur sa piste. C’est bien ce que vous voulez, non ? Et moi je suis bien obligé...

- Vous êtes obligé à rien du tout. On n’est pas censés s’être rencontrés, donc vous ne savez pas de quelle marque est sa bagnole et tout ça, n’est-ce pas Georg... ?

- Gromph !

- Et vous croyez que mes chefs vont avaler ça... ? Vous pensez qu’ils vont me croire si je leur dis qu’il est tombé du ciel... ? Vous croyez qu’ils savent pas pour qui travaillait Al... ? Vous savez ce qu’ils vont me dire... ?

- Non, mais on a hâte de savoir, n’est-ce pas Georg... ?

- Groumph !

- Ils vont me dire que j’ai pas fait mon boulot. Ils vont me dire que je suis payé pour connaître ce genre de renseignements et que c’est la première chose à laquelle j’aurais dû penser. Ils vont me dire que j’aurais dû appeler Winkel et ils vont se demander, et me demander pourquoi je l’ai pas fait.

- Eh ben t’as qu’a te montrer aussi con que t’en as l’air et ça passera, n’est-ce pas Georg... ?

- AARff !

Mc Bride fila un violent coup de poing sur le montant de la portière. Max n’en fut pas plus impressionné que ça. Ces deux-là le tenaient par l’intermédiaire de Winkel, mais il fallait quand même leur montrer qu’il en avait, qu’il n’était pas la lavette qu’ils croyaient, merde ! toute une carrière à tenir la dragée haute aux truands et paf ! il avait fallu que sa fille s’entiche de ce putain de canasson ! Quand on est flic on ne devrait jamais laisser à quiconque la moindre  prise, se dit-il, pas de femme, pas de gosses, rien à quoi on tienne. Et pas de vice. Être flic ce devrait être comme moine, pas d’attache. C’était un peu tard pour y penser.

«  N’en faites quand même pas trop les gars, siffla-t-il, parce qu’un jour...

Il était vert de rage. Il fit le geste de visser son poing dans un collet imaginaire, le poing auquel il venait de briser deux phalanges. Il parlait en serrant les dents, retenant une larme avec peine.

«  ... un jour vous commettrez une erreur et alors...

- Oui... ?

- Je serai là...

- Oui, mais nous on n’y sera plus, n’est-ce pas Georg... ?, déclara Max en passant la première et en lançant le moteur, enveloppant Mc Bride d’un nuage de poussière.

- WOUArff !

- Riez ! riez ! qui rira le dernier sera une tapette! cria-t-il, pas très sûr de la formule tandis que la voiture s’éloignait en tanguant.

Mais il n’y avait pas de quoi se marrer. Pas pour lui en tout cas. Il lui fallait régler cette affaire au mieux et au plus vite, ensuite il réfléchirait au moyen – s’il en était un – de se débarrasser de cette saloperie de dette envers Winkel, de la lui rentrer dans la gorge, elle et sa jument et de lui régler son compte une fois pour toutes. Il pourrait alors faire valoir ses droits à la retraite, avec les honneurs. Personne n’avait jamais réussi à dégotter la moindre preuve contre le truand. Mais lui, Mc Bride, consacrerait à cette tâche les années qui lui restaient à exercer comme détective, il en faisait le serment.

Le duo de comiques parti, il sortit son téléphone dans l’intention de demander à Marty ce que bon Dieu il foutait. Pas étonnant qu’il n’ait pas reçu d’appel, la batterie était vide...

*

« Wannacut, dit Baby Max, c’est pas là que Winkel nous a dit d’aller vérifier si on n’avait pas trouvé le cadavre d’un inconnu... ? »

- Gromph...

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