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Ma vie, mon oeuvre, mes rhumatismes
21 avril 2014

Suite...

Ma vieille Ford c’est un modèle des années cinquante. Une Météor Customline avec un moteur V8 et des chromes partout. Ça faisait un moment que je lorgnais dessus. J’ai toujours aimé les vieilles bagnoles, je ne sais pas pourquoi, elles me donnent une impression de solidité, on ne peut pas imaginer qu’elles vous lâchent, on pense qu’elles vous seront fidèles jusqu’à la mort. Comme une femme amoureuse. Je veux dire une pour qui vous seriez tout et qui vous prendrait comme vous êtes et pas pour un gland. Qui démarrerait au quart de tour et ne ferait jamais de caprice. C’est pourquoi je l’ai bichonnée et c’est pourquoi ce n’était pas juste quand je disais qu’elle était pourrie.. J’ai passé des mois à la démonter, pièce par pièce et j’ai tout remonté après avoir changé celles qui étaient défectueuses, et ça n’a pas été une mince affaire que de les trouver, parce que c’était un modèle fabriqué au Canada. Comment elle était arrivée là, mystère. Je l’ai graissée, huilée, polie, repeinte dans sa couleur d’origine, un profond vert bouteille. On aurait dit qu’elle sortait des chaînes de montage, hormis quelques menus détails. Bref, j’ai tout fait pour qu’elle m’aime, qu’elle se sente en sécurité avec moi qui lui avais offert une seconde vie, une nouvelle chance et quand on est partis, je pensais sincèrement qu’on allait faire le tour du monde, elle et moi. Au moins celui du pays ou de la région, parce que je n’avais pas assez de fric sur moi pour rouler plus de cent bornes vu ce qu’elle consommait. Je me disais déjà que j’aviserais, que je trouverais du boulot, une journée ou deux par-ci, pour me payer de quoi bouffer, une autre par-là pour lui remplir le ventre de bonne essence, sauf que je n’ai pas fait plus de dix bornes, elle s’est mise à roter, tousser, hoqueter et puis il y a eu un grand PAF ! un énorme nuage noir s’est échappé du pot d’échappement et elle a calé. J’étais en pleine ligne droite, il n’y avait pas âme qui vive à l’horizon, dans quelque direction que je me tourne. A droite et à gauche de la route qui filait droit à travers le désert ce n’était que pierraille, cactus et épineux. Je suis resté là une bonne heure, capot ouvert sur une énigme. J’étais tellement sûr d’elle que je n’avais même pas emporté une clef ni un tournevis. Mais quand on s’embarque dans une histoire d’amour il ne faut pas chipoter, commencer à douter ou se ronger les sangs par avance en imaginant Dieu sait quoi. Je n’ai jamais connu ça, mais c’est mon idée. J’ai essayé de la redémarrer jusqu’à ce que la batterie tombe en rade à son tour et c’est à ce moment que j’ai entendu le ronflement d’un moteur. Au début j’étais incapable de dire s’il venait de l'est ou du Far-West, de Wannacut-trou-du-cul-du-monde ou de la ville, d’une ville, n’importe laquelle, de ce qui représentait la vraie vie – en fait tout ce qui n’était pas Wannacut. Puis j’ai vu s’élever un nuage de poussière – la route était en terre battue – qui donnait l’impression de s’approcher lentement puis de plus en plus vite au fur et à mesure qu’il venait vers moi et bientôt les courbes élégantes de la bagnole ont apparu dans le nuage sans qu’on puisse dire avec certitude quelle en était la couleur ni la marque tant elle était maculée de cette même poussière. Le conducteur s’est mis à klaxonner quand il m’a aperçu puis il a ralenti et s’est arrêté à ma hauteur. Il a baissé sa vitre en même temps que retombait le nuage qui l’enveloppait. Un effet très théâtral. J’ai regardé le type sans broncher, je ne suis pas du genre causant, encore moins avec les étrangers. Et je suis davantage taiseux avec les étrangers qui roulent dans des bagnoles de luxe. Du menton il a désigné le capot de ma Ford relevé :

« Vous avez des ennuis... ? » il a demandé d’un ton jovial, comme si ça ne se voyait pas et comme si mes ennuis éventuels étaient la meilleure nouvelle qu’il eût entendu depuis longtemps. Et peut-être que c’était le cas, peut-être qu’il avait déjà son idée derrière la tête.

- Non, j’ai dit, j’admire le moteur. 

- Ah ! ah ! vous au moins vous êtes un rigolo, vous vous laissez pas démonter ! C’est pas comme votre bagnole !  il a fait en hurlant de rire de son bon mot. « On peut faire quelque chose... ? » il a ajouté. Je n’ai pas répondu. C’était pas le genre de type à foutre les doigts dans le cambouis. Et s’il l’avait fait, j’aurais parié ma chemise qu’il se serait arrangé pour les coincer dans un engrenage. Et je n’avais pas l’habitude qu’on se préoccupe de moi, qu’on me propose de l’aide. Le type a sorti sa tête par la vitre, il a regardé derrière et puis devant. Et puis il m’a regardé moi.

« C’est le désert ici, il a fait. Vous voulez que je vous dépose ? Ou peut-être que vous attendez quelqu’un...? »

- Non, j’ai répondu, j’attends personne. 

- Pas de portable, hein ! De toute façon j’ai comme l’impression qu’ici y a pas de réseau… J’ai essayé tout à l’heure. On dirait bien que c’est le trou du cul du monde, hein ! 

- Ouais, j’ai dit, si vous le cherchiez vous l’avez trouvé. Il s’est marré puis il est descendu de bagnole et il s’est étiré pour se détendre les muscles, comme s’il venait de se taper une bonne trotte sans respirer. Il a traversé la route et il s’est penché sur mon moteur.

«  Pfff ! il a fait, c’est pas de première jeunesse, ça ! Qu’est-ce qui se passe... ? 

- Sais pas…. 

- Panne d’essence... ? il a suggéré. 

- Sais pas, peut-être… non, je crois pas… 

-  Bon, il a dit, alors on fait quoi... ? J’y connais rien en mécanique, je vous serai pas d’un grand secours. Je vais par-là, il a fait en montrant la route de Wannacut, vous voulez que je vous dépose... ? Vous êtes du coin... ? Si vous êtes du coin vous connaissez sans doute un mécano qui pourra vous dépanner. 

- Non, j’ai menti, c’est la première fois que je mets les pieds ici. » Et c’est à ce moment-là que j’ai remarqué ses pompes. Il a vu où se portait mon regard et il a souri, du sourire du mec satisfait, content de l’effet produit.

- Elles sont chouettes, hein ! J’ai tiré les coins de ma bouche et hoché la tête.

- Ouais, on pourrait dire ça… mais sur le coup je n’en pensais pas un mot, je les trouvais ridicules, ou alors c’était l’ensemble, tout le mec qui était ridicule, en décalage. Qui n’allait pas dans le paysage. Il était petit, quoi que ça ne veut pas dire grand-chose, disons qu’il était plutôt petit par rapport à moi qui suis plutôt grand, je fais mon mètre quatre-vingt quinze, mais tout de même, il était plus petit que la moyenne des types que je connaissais et il portait un costard qui ne lui allait pas, je veux dire c’était comme s’il avait enfilé celui d’un autre, taillé pour un autre qui aurait eu la même corpulence mais qui lui, aurait été capable de déambuler dans un costume vert pomme sans sombrer dans la honte, sans que la rue entière se retourne sur lui et lui crache à la gueule, ou le badigeonne de goudron et de plumes. C’est sans doute parce que mon œil était attiré par le costume que je n’avais pas remarqué les pompes. L’ensemble était du plus bel effet. S’il se rendait à Wannacut, je présageais qu’il allait y rencontrer un franc succès. Lui manquait qu’un chapeau à plumes ( mais de paon cette fois ) pour parfaire sa tenue. Mais peut-être en avait-il un dans la bagnole, c’était le genre de type à porter un chapeau. C’était le genre de type à porter n’importe quoi.

Je ne saurai jamais si c’est ce qui m’a donné l’idée, ou si elle s’est insinuée en moi alors que je m’installais sur le siège en cuir du passager de sa luxueuse bagnole... Attendez, avant de poursuivre, je dois  revenir légèrement dans le temps. Si je me suis installé sur ce siège c’est à la suite d’une proposition étrange et singulière qu’il m’avait faite et que pour l’heure je ne savais comment faire basculer les choses en ma faveur. Pour sûr je n’avais aucune envie de retourner à Wannacut, plutôt crever, mais d’un autre côté j’étais animé par un furieux désir de tester le confort de sa Pontiac dernier modèle. Un désir un peu enfantin, sur le coup j’y ai pas réfléchi, je me disais que je pouvais toujours l’accompagner sur quatre ou cinq kilomètres puis affirmer que non, sa proposition ne m’intéressait finalement pas. Il me déposerait – quand on mesure un mètre soixante il est difficile de résister au désir pressant d’un gaillard qui en fait trente-cinq de plus, sans compter les kilos qui vont avec – et j’aviserais. Qu’est-ce que ça changerait que je sois auprès de ma bagnole ou pas ? Que je sois à cinq kilomètres de Wannacut ou à dix... ? Ça ne résoudrait pas mieux ni plus mal mon problème. Alors… Alors j’ai accepté. Il m’avait dit écoutez, je sais que ça va vous paraître étrange, mais j’aurais besoin que vous me rendiez un petit service. Je sais, c’est vous qui auriez besoin qu’on vous dépanne, et justement on va pouvoir faire d’une pierre deux coups, ou se renvoyer la balle…, voilà ce que je vous propose. J’ai, disons, une petite affaire délicate à régler à Wannacut… Et, se méprenant sur le sens de ma mine interdite, il a ajouté :

« c’est un petit patelin pas très loin d’ici. » Il s’est marré. « Il y a même pas assez d’âmes dans ce bled pour qu’un Jim Thomson en fasse en roman… il paraît, Ah, ah ! j’ai dit « je sais,  il en manque un bon milliers… » et ça, ça lui a cloué le bec, non mais à qui croyait-il avoir à faire... ? Je n’aime pas les types qui étalent leur science, aussi est-ce plus sûrement sa suffisance que son accoutrement de plouc qui m’a foutu en rogne, à partir de là que les choses se sont enchaînées. «  Ben je croyais… » il a commencé.  J’ai dit « laissez tomber. C’est quoi votre problème... ? » Il s’est mis à transpirer, a sorti un drap de lit de sa poche et s’en est servi pour s’éponger le front et le cou. « Ben comme je disais, j’ai une affaire délicate… enfin, je me sentirais mieux, je veux dire plus en sécurité si un gaillard de votre acabit m’accompagnait, si vous voyez ce que je veux dire ! » Il transpirait de plus en plus, parlait avec un accent que je n’identifiais pas, peut-être venait-il tout droit d’une contrée où l’on ne connaît pas l’été, allez savoir. « C’est illégal votre truc ? » me suis-je tuyauté sur le ton que j’aurais employé pour lui soutirer sa dernière clope... ? » Il s’est massé le cou comme s’il souffrait de torticolis à force de lever la tête pour me regarder. « Non, pas vraiment. C’est juste un peu…délicat. » « Pas vraiment illégal, j’ai répondu, c’est pas vraiment légal non plus, et pour moi, quand un truc n’est pas vraiment légal, c’est qu’il est déjà proche parent de l’illégalité, qu’est-ce que vous en dites... ? Peut-être même qu’il est complètement illégal. Remarquez, j’ai ajouté, je m’en tape, c’était juste pour dire, parce que j’aime bien savoir où je mets les pieds, pas vous... ? » « Ouais, il a fait, c’est la sagesse même, alors voilà ce que je vous propose, vous m’accompagnez, vous n’aurez rien à faire, juste à être présent pour, comment dire… dissuader. Vous êtes costaud et… non qu’il y ait le moindre risque, hein ! mais deux précautions valent mieux qu’une, c’est ce que je dis tout le temps. Vous n’aurez même pas à savoir de quoi il s’agit, vous resterez à l’écart, c’est une transaction qui prendra une minute, disons un échange de… bons procédés et ensuite je vous libère, mais avant on vous trouve un garage, je vous envoie une dépanneuse et je paie tous les frais. Et en plus, voilà pour vous… » Il a sorti un portefeuille de sa poche révolver qui de toute évidence et en contradiction flagrante avec son appellation n’en contenait aucun, s’est légèrement tourné pour que je ne vois pas ce qu’il contenait précisément et il m’a refilé deux billets de cent. «  Ça c’est pour le dérangement, a-t-il assuré. Une prime si vous voulez. » J’ai empoché les deux biftons, j’avais le cœur qui cognait pas mal, je n’en avais jamais eu autant d’un seul coup et j’ai dit si ce boulot-là qui est légal vaut deux billets de cent, qu’est-ce que ça serait s’il l’était pas... ? Il s’est tortillé comme s’il avait des morpions qui le dévoraient méchamment. Il a eu un rire gêné. « C’est juste que vous m’êtes sympathique, a fait le type. Et de plus vous m’avez tout l’air d’être dans le pétrin et moi, j’ai toujours fait en sorte d’aider mon prochain quand il est sympathique et dans votre situation. Prenez ça comme un acte de charité chrétienne, rien de plus. » Il a tordu son mouchoir pour en exprimer la sueur, se dandinant d’un pied sur l’autre et puis il a recommencé à s’éponger le front et le cou tandis que je pesais ma réponse, que je le laissais un peu mariner dans son jus histoire de l’évaluer et j’en suis arrivé à la conclusion que si je ne me trompais pas, ce que j’avais entendu, les vrais mots qu’il avait prononcés et qu’il avait déguisés comme un foutu loup voulant entrer dans une bergerie c’était : vous m’avez tout l’air d’être un crétin et moi je me suis toujours servi des crétins… et je me le suis tenu pour dit. « Bien, j’ai finalement dit, vous m’avez l’air aussi sincère que les sermons du pasteur. » Ça pouvait avoir tous les sens qu’on veut. « Alors, vous venez... ? » il a fait avec espoir. En guise de réponse, je me suis installé, enfoncé, dans ce merveilleux siège de cuir, mais comme mon poignard me gênait pour m’asseoir, je l’ai retiré de ma ceinture et posé entre mes cuisses. Je ne pensais pas à mal, c’était un geste dont on ne pouvait à ce moment, ni à aucun autre d’ailleurs, douter de la pureté.

« Je m’appelle Al, » m’a dit le type en prenant place derrière le volant. Il m’a tendu une petite main que j’ai enfermée, écrasée dans la mienne et il a tourné le contact en grimaçant. «  Joli couteau, il a fait en blêmissant, » et c’est à ce moment-là que l’idée m’est venue, pas même une idée au sens strict du terme, c’était pas réfléchi ni élaboré, ça s’est fait naturellement, je n’avais pas mis de mots dessus, j’avais juste le sentiment que moi aussi j’avais droit à tout ce luxe, qu’il n’y avait aucune raison pour que je n’en profite pas et que ce type, là, Al, il en avait profité toute sa vie lui, on voyait bien qu’il n’en avait jamais bavé, qu’il n’avait pas passé ses meilleures années à suer dans les champs ou à nourrir les cochons pour une poignée de cacahuètes. Lui, personne ne l’avait humilié du matin jusqu’au soir, j’ai pensé, et on lui donnait sans doute du Monsieur quand on s’adressait à lui. Il n’avait pas l’air d’un caïd non plus, c’était un sous-fifre à coup sûr, mais de ceux dont c’est le meilleur rôle qu’ils puissent jouer et qui se la pètent parce qu’ils sont tout près du sommet, même s’il n’y ont jamais accès. Un peu comme les serveurs des grands restaurants ou les liftiers des palaces qui côtoient journellement les stars et les nababs qui les appellent par leur prénom et leur tapent amicalement dans le dos. Ce sont les pires. On ne peut pas avoir confiance dans des types comme ça. O.K., il m’avait refilé deux billets, mais qui me disait que je n’allais pas me retrouver dans un sac d’embrouilles et y laisser ma peau, alors j’ai fait ce qui paraissait le plus logique pour éviter ce genre de tracas, j’ai retiré le couteau de sa gaine et je lui ai dit Al, tu voudrais pas sourire... ? « Sourire... ? il a dit, déstabilisé par mon brusque tutoiement et par mon insolite requête. Comment ça, sourire ? » « Sourire, j’ai répondu, tu sais ce que c’est, non... ? » « Oui... » a fait Al de plus en plus mal à l’aide. « Alors j’aimerais beaucoup que tu me souries. Un vrai sourire, pas juste un rictus. »  « Pourquoi ça... ? » il a demandé. « Parce que lorsque mauvaise fortune frappe à ta porte, c’est le moment ou jamais de faire preuve de sagesse en lui opposant un visage avenant, » ai-je déclaré. « Mais de quoi vous... tu parles... ? je comprends rien à... quelle mauvaise fortune... » « Crois-moi, ai-je assuré, ça n’a pas la moindre importance ! » et comme il forçait un sourire sur son visage je lui ai planté mon couteau sous une côte, en plein cœur. Comme je le dis, aussi simplement. Personne ne sait ce qui s’est passé dans son esprit au moment de sa mort. Est-ce qu’il a appelé sa maman... ? A-t-il seulement compris ce qui lui arrivait... ? A-t-il revu en un éclair l’ensemble de sa petite vie minable... ? S’est-il souvenu de la première fille qu’il a tenté d’embrasser et qui lui a retourné une baffe... ? Peut-être qu’il ne s’est rien passé dans son esprit. Il est mort et pof..

J’aurais pu refuser son fric, ne pas monter dans la bagnole, c’est ça qui aurait paru logique au plus sensé d’entre vous, n’est-ce pas, mais ce n’est pas ainsi que je voyais les choses, j’avais une telle envie de conduire cette bagnole ! une telle envie de liberté ! et furieusement besoin de ces deux billets ! Et en plus il m’avait énervé ! Ensuite je lui ai pris son portefeuille et j’ai fait passer le reste de la liasse dans ma poche. Je lui ai aussi piqué son portable. Un truc très moderne avec lequel on peut te repérer grâce au satellite. Dans le portefeuille il y avait bien huit autres billets. Je me débarrasserai du portefeuille et du portable plus tard, je me suis dit. C’était une précaution un peu inutile, car les flics établiraient aussitôt un rapport entre le cadavre et l’épave de ma bagnole, en tout cas, si j’étais flic c’est ce que je ferais, quand bien même l’un et l’autre sont distants de plusieurs kilomètres. Je me poserais des questions. Mais bon, ç’a été un réflexe. J’ai tout de même pris la précaution de mettre dans ma poche les papiers de la voiture, au cas où la police de la route m’arrêterait. Je pourrais toujours raconter que je la convoyais. C’était un foutu bobard, mais avec un peu de chance il passerait. C’est un truc qui se fait beaucoup. Convoyer des bagnoles, je veux dire. Mentir aussi, soit dit en passant, mais ce n’est pas de ça que je parle.

J’ai eu un mal de chien malgré son petit poids, à sortir le cadavre de la bagnole et à le transporter dans le fossé, juste derrière un escarpement rocheux, où je l’ai allongé et recouvert tant bien que mal d’herbes folles et d’épineux. C’est fou ce que c’est lourd un homme mort. C’est plus lourd mort que vivant, si ce n’est pas plus grand. Ce n’était pas une planque miraculeuse, mais je n’ai pas trouvé mieux et je ne me voyais pas trimballer le maccab sur des kilomètres en attendant de dégoter l’endroit idéal. De toute façon, les corbeaux et autres saloperies de charognards n’attendraient pas longtemps avant de s’inviter au festin et d’en marquer l’emplacement.

C’est seulement plus tard, lors d’une halte pour pisser, que j’ai remarqué la mallette, elle était planquée derrière le siège du conducteur, négligemment recouverte d’un sac de voyage et à présent je roule en direction du prochain motel. Je vais prendre une bonne douche parce que tout ça m’a fait salement transpirer et ensuite je traînerai dans le coin à la recherche d’une boutique de fringue pour changer mes vieilles sapes. J’ai eu du pot, Al était tout petit mais il avait de grands pieds, des pieds disproportionnés à son corps de minus et moi qui suis grand j’ai des pieds ridiculement petits pour ma taille, c’est pourquoi j’ai pu enfiler ses pompes. Parfois la vie vous sourit. C’est vachement bath. Dommage que son costard ne m’allait pas, j’aurais été épatant, sans déc, j’aurais adoré ça. Ah !

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